Ecclesiae Sponsae Imago
de Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique
Date de publication : 08/06/2018
Texte original
Texte Français
INSTRUCTION
ECCLESIAE SPONSAE IMAGO
SUR L’ORDO VIRGINUM
INTRODUCTION
1. L’image de l’Église Epouse du Christ est présentée dans le Nouveau Testament comme une icône efficace révélatrice de la nature intime des rapports que le Seigneur Jésus a voulu établir avec la communauté de ceux qui croient en Lui (Eph 5, 23-32 ; Ap19, 7-9 ; 21, 2-3.9).
A partir des temps apostoliques, cette expression du mystère de l’Église a trouvé une manifestation tout à fait particulière dans la vie de certaines femmes qui, en correspondant au charisme suscité en elles par l’Esprit Saint, se sont dédiées au Seigneur Jésus par amour sponsal dans la virginité, pour exprimer la fécondité spirituelle de la relation intime avec Lui et en offrir les fruits à l’Église et au monde.
2. Comme certains passages du Nouveau Testament et les écrits des premiers siècles chrétiens l’indiquent, cette forme de vie évangélique est apparue de façon spontanée dans les diverses régions où les communautés ecclésiales [1] se développaient, en se plaçant parmi les autres formes de vie ascétique. Dans le contexte de la société païenne, ces formes de vie constituaient un signe évident de la nouveauté du christianisme et de sa capacité à répondre aux questions les plus profondes sur le sens de l’existence humaine [2]. Selon un processus analogue à celui qui concernait le veuvage des femmes qui choisissaient la continence « en honneur de la chair du Seigneur » [3], la virginité consacrée féminine acquit progressivement les caractéristiques d’un état de vie reconnu publiquement par l’Église [4].
Pendant les trois premiers siècles, les vierges consacrées qui ont subi le martyre pour rester fidèles au Seigneur ont été très nombreuses. Parmi celles-ci, Agathe de Catagne, Lucie de Syracuse, Agnès et Cécile de Rome, Thècle d’Iconium, Apollonie d’Alexandrie, Restituta de Carthagène, Juste et Rufine de Séville. Par la suite et jusqu’à nos jours, la mémoire des vierges martyres est restée comme un vif rappel du don total de soi que la consécration virginale exige.
Les Pères de l’Église voyaient le reflet de l’image de l’Église, Epouse totalement dévouée à son Epoux, dans les femmes qui accueillaient cette vocation et y répondaient par la décision de persévérer dans la virginité tout au long de la vie. Pour cette raison, ils parlaient d’elles comme sponsae Christi, Christo dicatae, Christo maritatae, Deo nuptae [5]. Dans le corps vivant de l’Église, elles constituaient un coetus institutionnalisé, indiqué par nom d’Ordo virginum [6].
3. À partir du IVème siècle, l’entrée dans l’Ordo virginum se réalisait par un rite liturgique solennel présidé par l’Evêque diocésain. Au sein de la communauté réunie pour la célébration eucharistique, la femme exprimait le Sanctum propositum de demeurer dans la virginité tout au long de sa vie pour l’amour du Christ et l’Evêque prononçait la prière consécratoire. Comme l’attestent les écrits d’Ambroise de Milan et les sources liturgiques les plus anciennes, le symbolisme nuptial du rite était rendu particulièrement évident par l’imposition du voile à la vierge par l’Evêque, geste qui correspondait à la velatio accomplie lors de la célébration du mariage [7].
4. L’estime et la sollicitude pastorale accompagnant le chemin des vierges consacrées sont amplement attestées par la littérature patristique. Les Pères ne se limitent pas à censurer les comportements des consacrées non conformes à leur engagement de mener une vie chaste dans l’humble sequela du Christ, mais ils combattent avec vigueur tant les arguments de ceux qui nient la valeur de la virginité consacrée que les déviances hérétiques qui prônent un idéal de la virginité et de la continence fondé sur une conception négative du mariage et de la sexualité. Réfléchissant sur les fondements théologiques de la consécration virginale, ils en ont mis en lumière l’origine charismatique, sa motivation évangélique et son importance ecclésiale et sociale. Ils ont également souligné la référence exemplaire à la Vierge Marie, ainsi que la valeur prophétique d’anticipation et d’attente vigilante de la pleine communion avec le Seigneur, qui se réalisera seulement à son retour glorieux à la fin des temps. En s’adressant aux vierges consacrées « plus par l’affection que par l’autorité » [8] de leur ministère, ils exhortent les vierges consacrées à nourrir et exprimer leur amour envers le Christ Epoux par la méditation assidue de l’Ecriture et la prière persévérante, personnelle et liturgique. Ils les exhortent à pratiquer l’ascèse, les vertus et les œuvres de miséricorde et à cultiver une attitude d’écoute docile du magistère de l’Evêque. Ils leur demandent aussi de s’engager à garder la communion ecclésiale, pour offrir un témoignage évangélique limpide et convainquant à l’intérieur des communautés chrétiennes et du milieu social où elles restaient insérées, vivant généralement dans leurs familles d’origine et parfois aussi dans des formes de vie communautaire.
À la même période, la discipline des aspects essentiels de cette forme de vie commença à être précisée par les décrétales des Papes et les constitutions des Conciles provinciaux.
5. Si, durant les premiers siècles, les vierges consacrées vivaient généralement dans leurs propres familles, avec le développement du monachisme cénobite, l’Église a associé la consécration virginale à la vie communautaire et donc à l’observance d’une règle commune et à l’obéissance à une supérieure. Au cours des siècles, on assiste progressivement à la disparition de la forme de vie originelle de l’Ordo virginum avec son enracinement caractéristique au sein de la communauté ecclésiale locale, sous la conduite de l’Evêque diocésain.
Les rites d’entrée dans la vie monastique ont accompagné et, dans la plus grande partie des monastères, se sont substitués à la célébration de la consecratio virginum. Seules certaines familles monastiques où l’on émettait les vœux solennels en conservèrent le rite. Tout en préservant les éléments essentiels de sa structure originelle, celui-ci fut enrichi par l’apport de la sensibilité des populations où il s’était répandu. Cela fut possible grâce à des révisions successives qui introduisirent de nouvelles formules eucologiques et de nouveaux gestes symboliques.
6. L’impulsion du renouveau ecclésial qui inspira le Concile Vatican II suscita aussi l’intérêt pour le rite liturgique de la consecratio virginum et l’Ordo virginum. Plusieurs siècles après sa disparition et dans un contexte historique radicalement modifié, où étaient en cours de profonds changements de la condition féminine dans l’Église et dans la société, cette ancienne forme de vie consacrée révélait une surprenante force d’attraction. Elle semblait capable de correspondre non seulement au désir de nombreuses femmes de se donner entièrement au Seigneur et aux frères, mais aussi à la redécouverte contextuelle de l’identité propre de l’Église particulière dans la communion de l’unique Corps du Christ.
Selon ce qu’avait prévu la Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium en son numéro 80, le rite de la consecratio virginumdu Pontifical Romain fut, dans la période post-conciliaire, soumis à révision sur la base des principes généraux établis par le Concile pour la réforme liturgique. Le nouvel Ordo consecrationis virginum, promulgué le 31 mai 1970 par la Sacrée Congrégation pour le Culte Divin sur mandat spécial du Pape Paul VI, est entré en vigueur le 6 janvier 1971 [9]. Reprenant la plus antique tradition ecclésiale et tenant compte également des évolutions historiques, deux formes de célébration ont été élaborées et approuvées. La première est destinée aux femmes qui demeurent in saeculo, c’est à dire dans leur condition de vie ordinaire, et qui sont admises à la consécration par l’Evêque diocésain. La deuxième est destinée aux moniales des communautés dans lesquelles le rite est en usage, aux professes perpétuelles ou à celles qui, durant la même célébration, font profession perpétuelle et reçoivent la consecratio virginum.
7. De cette manière, la consécration virginale des femmes qui restent dans leur contexte ordinaire de vie, enracinées dans la communauté diocésaine rassemblée autour de l’Evêque, selon les modalités de l’antique Ordo virginum, a retrouvé une reconnaissance ecclésiale explicite, sans affiliation à un institut de vie consacrée. Le texte liturgique et les règles qui y sont contenues dessinent, dans leurs éléments essentiels, la physionomie et la discipline de cette forme de vie consacrée, dont le caractère institutionnel – propre et distinct de celui des Instituts de vie consacrée – a été ensuite confirmé par le Code de Droit Canonique (can. 604). De la même façon, le Code des Canons des Églises Orientales a explicité la possibilité que, dans les Églises Orientales, le droit particulier institue des vierges consacrées qui professent publiquement « à part » dans le monde la chasteté, c’est-à-dire sans lien d’appartenance à un Institut de vie consacrée (can. 570).
En conséquence, dans la réorganisation de la Curie romaine mise en œuvre par la Constitution Apostolique Pastor Bonus, l’Ordo virginum a été placé dans le domaine de compétence de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique [10].
Le Catéchisme de l’Église Catholique [11], la réflexion tenue à l’occasion du Synode des Evêques dédié au thème de « La vie consacrée et sa mission dans l’Église et dans le monde » et l’Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata [12] (en particulier le n. 7 et le n. 42) ont aussi contribué à clarifier la place ecclésiale de l’Ordo virginum parmi les autres formes de vie consacrée, en mettant en relief le lien spécifique qui s’établit entre les vierges consacrées et l’Église, particulière et universelle.
L’Instruction Repartir du Christ : un engagement renouvelé de la vie consacrée au troisième millénaire [13] a ensuite souligné l’exigence pour l’Evêque diocésain et son presbyterium de porter une attention particulière aux vierges consacrées.
Par la suite, le Directoire pour le ministère pastoral des Evêques, Apostolorum Successores [14], a réaffirmé, en continuité avec l’antique tradition ecclésiale, que l’Evêque diocésain doit avoir une sollicitude particulière pour l’Ordo virginum, en ce que les vierges sont consacrées à Dieu par ses mains et confiées à son soin pastoral.
8. Depuis que cette forme de vie consacrée a été proposée à nouveau au sein de l’Église, on assiste à une véritable floraison nouvelle de l’Ordo virginum, dont la vitalité se manifeste dans la richesse multiforme des charismes personnels mis au service de l’édification de l’Église et du renouveau de la société selon l’esprit de l’Evangile. Ce phénomène est de grande importance, non seulement par le nombre de femmes qui y sont engagées mais aussi par sa diffusion sur tous les continents, dans de très nombreux pays et Diocèses, dans des zones géographiques et des contextes culturels très divers.
Indubitablement, la traduction par les Conférences épiscopales de l’édition typique latine de l’Ordo consecrationis virginum dans la plupart des langues courantes a contribué à cette évolution.
De très nombreux Evêques ont promu et soutenu l’Ordo virginum dans leurs Diocèses par leur magistère et leur action pastorale, en valorisant également la contribution des vierges consacrées elles-mêmes, qui se sont senties appelées à réfléchir à leur propre expérience, à l’actualité de cette vocation dans l’Église et le monde d’aujourd’hui et aux attentions nécessaires pour leur permettre de s’exprimer selon leur propre originalité. Avec les mêmes intentions, certaines Conférences épiscopales ont élaboré, pour leurs territoires respectifs, des critères et des orientations communes pour le soin pastoral de l’Ordo virginum.
En synergie avec le magistère et l’action des Evêques diocésains, le Siège Apostolique a maintenu une attention constante à l’Ordo virginum, en se mettant au service des Églises particulières de manière à favoriser la renaissance et le développement de cette forme de vie selon ses caractéristiques spécifiques.
9. Le service à la communion que le Successeur de Pierre rend également à l’Ordo virginum a acquis une visibilité particulière à l’occasion des deux premières rencontres internationales qui ont vu se réunir à Rome des vierges consacrées provenant de nombreux pays. Les vierges consacrées ont reçu de précieux enseignements de la part de Saint Jean-Paul II en 1995 [15] et de la part de Benoît XVI en 2008 [16], qui les ont aidées à s’orienter sur leur chemin.
Une troisième rencontre internationale a eu lieu en 2016, au moment où les vierges consacrées du monde entier ont été invitées à Rome à participer aux journées de clôture de l’Année de la vie consacrée proclamée par le Pape François. Sous la conduite du Successeur de Pierre qui a invité les personnes consacrées de toutes les formes de vie à redécouvrir les fondements communs de la vie consacrée, il est devenu évident que l’enracinement caractéristique de l’Ordo virginum dans les Églises particulières s’harmonise avec l’expérience de la communion que les vierges consacrées expérimentent dans l’Église universelle, en se rendant participantes de l’unique mission ecclésiale.
10. Ces dernières années, ce Dicastère a reçu, de plusieurs endroits du monde, des demandes pour qu’il donne des indications pour orienter l’action des Evêques diocésains dans l’application des règles contenues dans le Pontifical Romain et implicitement rappelées par le can. 604 du Code de Droit Canonique, ainsi que pour définir une discipline plus complète et organique qui soit ainsi précisée selon les spécificités de l’Ordo virginum, sur la base des principes communs au droit de la vie consacrée dans ses différentes formes.
La présence renouvelée de cette forme de vie consacrée dans l’Église, dont la réapparition est étroitement liée à l’évènement du Concile Vatican II, et la rapidité de sa croissance dans de nombreuses Églises particulières rendent opportun de répondre à ces demandes afin que l’identité spécifique de l’Ordo virginum soit préservée, dans sa nécessaire adaptation aux différents contextes culturels.
La présente Instruction établit les principes normatifs et les critères d’orientation que les Pasteurs de chaque Diocèse et Église particulière assimilée au Diocèse devront appliquer pour le soin pastoral de l’Ordo virginum.
Après avoir tracé le fondement biblique et les éléments typiques de la vocation et du témoignage des vierges consacrées (première partie), l’Instruction traite de la configuration spécifique de l’Ordo virginum dans le domaine de l’Église particulière et de l’Église universelle (deuxième partie). L’Instruction s’arrête ensuite sur le discernement vocationnel et les itinéraires de la formation préalable à la consécration et de la formation permanente (troisième partie).
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Note du Directeur du site : le texte étant très long (plus de 75 pages), nous ne publions ici que l'introduction, afin de mentionner le texte et de le lier aux canons correspondants.
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