Les Eglises Catholiques Orientales et leur droit

11 juin 2018

A partir du 16e s., certaines communautés de fidèles provenant de différentes Eglises orientales non-catholiques ont intégré l’Eglise catholique. Elles étaient issues des scissions dans la chrétienté qui ont eu lieu suite à plusieurs conciles œcuméniques (p.e. celui d’Ephèse en 431, le concile de Chalcédoine en 451 et, ce qu’on appelle encore, le Schisme d’Orient en 1054) et avaient le droit de conserver leurs propres rites.

Cela explique qu’existent aujourd’hui, au sein de l’Eglise catholique, vingt-deux Eglises catholiques orientales qui sont reconnues comme communautés se distinguant les unes des autres par leurs hiérarchies propres. Chacune de ces Eglises est désignée par le terme « Eglise de droit propre » (Ecclesia sui iuris), là où le droit canonique précédent parlait encore de « rites », un mot qui prêtait à confusion à cause de ses multiples significations. Aujourd’hui, le mot rite ne désigne plus une communauté de fidèles, mais plutôt le patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire (incluant donc le droit canonique, voir Code des canons des Eglises orientales/CCEO, c.28). Une Eglise de droit propre, terme qui s’applique d’ailleurs aussi à l’Eglise latine, est un groupe de fidèles chrétiens, uni par une hiérarchie selon le droit et reconnue comme telle par l’autorité suprême de l’Eglise (CCEO, c.27).

La reconnaissance comme Eglise de droit propre ne suffit cependant pas, puisque c’est un terme générique. Chacune de ces Eglises a besoin d’un statut juridique plus spécifique. Le CCEO distingue ici les Eglises patriarcales (aujourd’hui six), les Eglises archiépiscopales majeures (au nombre de quatre), les Eglises métropolitaines de droit propre (cinq) et les autres. Ces statuts attribuent à ces Eglises, en ordre décroissant, une autonomie plus ou moins grande vis-à-vis du Pontife Romain et du Saint-Siège. Cependant, il s’agit toujours d’une autonomie relative, car elle est exercée en communion avec l’Evêque de Rome. Une Eglise de droit propre peut changer de statut juridique, ainsi, certaines Eglises métropolitaines de droit propre sont devenues des Eglises archiépiscopales majeures.

Deux processus de codification ont été achevés dans le domaine du droit canonique oriental. Après une phase de préparation qui a commencé en 1929, le travail de rédaction d’un Code de droit canonique oriental a eu lieu dans les années 1935-1948. Le texte intégral de ce Code fut approuvé par le pape Pie XII en 1948, mais le pape ne l’a pas promulgué dans son intégralité. Quatre parties de ce code ont été promulguées par la suite : le droit matrimonial en 1949 (M.P. « Crebrae Allatae »), les canons concernant les procès en 1950 (M.P. « Sollicitudinem nostram »), en 1952, suivaient le droit des religieux, des biens temporels et la définition de certains termes (M.P. « Postquam Apostolicis Litteris »), et, finalement, en 1957, les canons au sujet des rites et des personnes (M.P. « Cleri Sanctitati »). A la veille du concile Vatican II, les catholiques orientaux ne disposaient donc pas d’un Code entier.

Conformément à la volonté du pape Jean XXIII, annoncée en janvier 1959, d’une révision de tout le droit canonique de l’Eglise catholique, latin aussi bien qu’oriental, ce travail – et donc un deuxième processus de codification orientale - commença après le concile. Une commission fut instituée en 1972 par le pape Paul VI avec mission explicite de revoir tout le droit oriental, ses parties promulguées et non-promulguées, à la lumière du concile Vatican II. Le Code des Canons des Eglises Orientales (CCEO) a été promulgué par le pape Jean-Paul II, le 18 octobre 1990, son entrée en vigueur étant fixée pour le 1er octobre 1991.

Le mot « canons » dans le titre du CCEO ne renvoie pas aux unités de texte à l’intérieur de ce Code, mais se réfère aux canons sacrés du premier millénaire de l’histoire de l’Eglise. Ce patrimoine, composé des canons des conciles œcuméniques, de certains synodes régionales, de canons des Pères grecs de l’Eglise et de la collection appelée « Canons des Apôtres », constitue un patrimoine reconnu dans toutes ces Eglises catholiques orientales. C’est précisément à cause de ce patrimoine commun que les instances romaines ont pensé qu’il est possible de rédiger un seul Code commun pour ces vingt-deux Eglises catholiques orientales. En même temps, le CCEO laisse de la place au droit particulier permettant ainsi à ces Eglises d’adapter le droit du Code aux particularités de leurs traditions respectives.

Parmi les caractéristiques disciplinaires de ces Eglises catholiques orientales, on trouve, entre autres, différentes formes de gouvernement synodal, la célébration (en principe) concomitante des trois sacrements de l’initiation chrétienne, administrés même aux bébés, et la présence de prêtres mariés dans presque toutes les Eglises catholiques orientales.


Astrid KAPTIJN,

professeur de droit canonique 

à la Faculté de Théologie de l'Université de Fribourg.