Baptême d’un enfant demandé et célébré à l’insu de l’un de deux parents
06 juin 2018
De plus en plus de cas particuliers se présentent dans les paroisses, et notamment celui d’un baptême d’enfant conféré à l’insu de l’un des deux parents. En effet, du fait de l’évolution actuelle des familles, que ce soit en France ou ailleurs, cette question se pose de plus en plus concrètement et non plus seulement en théorie. Il apparaît donc nécessaire d’y revenir ici.
Un simple constat justifie cette insistance : dans notre société occidentale, c’est fréquemment que le couple parental survit au couple marital. Du fait des dispositions du droit français en matière de protection des mineurs et de responsabilité des parents, nous devons alors, dans les paroisses françaises et autres lieux d’Église (écoles catholiques, aumôneries d’établissements d’enseignement, etc.), demeurer très attentifs, voire même obligés aujourd’hui plus qu’autrefois de vérifier, s’agissant d’un mineur, l’authenticité du lien parental entre l’enfant présenté et les personnes qui le présentent. Une simple présomption n’est plus suffisante. Pour le droit français en effet, le baptême d’un mineur ne fait pas partie des actes usuels au sens de l’article 372‒2 du Code civil ; un tel baptême requiert donc l’accord de tous ceux qui sont titulaires de l’autorité parentale et en droit de l’exercer.
Telle est la situation qui est souvent présente aux pasteurs de l’Église : dans une paroisse, un petit enfant, dont les deux parents se sont séparés mais qui possèdent tous deux l’autorité parentale en droit français, ainsi que le droit de l’exercer, a été baptisé à la seule demande de l’un des deux parents sans l’avis de l’autre parent, et donc à l’insu de ce dernier. Il arrive également que ce dernier s’estime trompé aussi par l’Église qui, selon lui, aurait cautionner le fait. Évidemment, les cas diffèrent selon que le parent « absent » de la démarche est ou non opposé au baptême de son enfant. De plus, la non-participation au choix des parrains est aussi une conséquence de cette absence.
D’un point de vue juridique, trois points doivent être considérés en l’espèce :
1. L’accord préalable, ou au minimum la preuve de la non opposition du parent qui n’est pas l’auteur de la demande de baptême, et exprès (c’est-à-dire écrit, daté et signé) est requis. Le parent concerné doit pouvoir au minimum signer qu’il ne s’oppose pas au baptême de son enfant. Même si cette règle n’est strictement nécessaire en droit canonique latin, elle doit impérativement être appliquée, au regard du droit français, et comme le rappelle le Directoire canonique pour les actes administratifs des sacrements, en croisant les dispositions canoniques et celles du droit français : « Pour qu’un enfant soit baptisé licitement, il faut […] que les parents y consentent ou au moins l’un d’eux ou ceux qui tiennent légitimement leur place ; que le droit civil n’y fasse pas obstacle, c’est-à-dire que les deux parents ne s’y opposent pas, sauf si le parent qui fait opposition était déchu ou privé de ses droits parentaux ; en effet, l’un des parents séparé ou divorcé peut faire obstacle » (Directoire canonique pour les actes administratifs des sacrements, Paris, Parois‒Services, 1994, p. 75 ; voir aussi p. 81 et 299). Le non-respect de cette obligation constituera donc une infraction au droit français.
2. La tromperie dont le parent absent peut s’estimer victime est à prendre au sérieux. A priori, le curé de la paroisse n’est pas lui-même l’auteur de ce préjudice. Cependant, si dans le cas où le parent concerné aurait était opposé au baptême, le curé, ainsi éventuellement que d’autres agents pastoraux, pourraient être tenus pour une part responsables du fait de négligence quant à la vérification de cette opposition, voire sur l’identité du tiers qui aurait pu se substituer au parent concerné lors de l’inscription de l’enfant au baptême.
« Les ministres du culte confrontés à une demande d’inscription d’un enfant aux cours et activités d’instruction religieuse, à un sacrement ou à des rites particuliers, spécialement les rites d’initiation, ou à une demande d’exercice d’un culte déterminé, doivent donc faire preuve d’une prudence légitime, en s’enquérant, autant que possible, de l’identité de la ou des personnes titulaires de l’autorité parentale. Ces choix fondamentaux ne doivent pas être effectués, en droit civil, à l’insu d’un parent cotitulaire de cette autorité, ou qui conserve un droit d’hébergement ou de visite, ou d’une manière générale un droit de surveillance sur les choix importants relatifs à la vie de l’enfant. Le ministre du culte ou le catéchiste qui négligerait cette précaution élémentaire pourrait faire l’objet d’une mise en cause de sa responsabilité civile. La quasi-absence de contentieux dans ce domaine démontre le sérieux du comportement des ministres du culte et animateurs intéressés. » (Liberté religieuse et régimes des cultes en droit français, troisième partie, livre 3 : liberté des personnes physiques, http://extranet.cef.fr/Liberte-religieuse-et-regimes-des-cultes-en-droit-francais,2721.html [site consulté le 8 mai 2018]).
3.- Enfin, le parent concerné peut exprimer le désir que l’enfant ait un parrain ou une marraine désigné par lui, et non pas seulement un parrain et une marraine choisis par le parent ayant fait la demande du baptême. Cette question est évidemment délicate, car il faut tenir compte de la situation concrète elle-même, de la relation entre les deux parents, et surtout de l’intérêt de l’enfant (cf. C. civ., art. 371‒1, al. 1 : « L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoir ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. ») ; sans oublier le fait que les parrains sont bien souvent désignés avant toute demande de baptême officielle auprès d’une paroisse.
Du point de vue canonique, on ne peut changer les parrains (on ne doit d’ailleurs jamais modifier l’acte de baptême). Mais ce désir du parent concerné doit d’abord être reçu pastoralement et avec le discernement qui convient, avant d’être traité comme une question administrative. Lorsqu’un cas de ce type se présente, il est bon de se rapprocher de la chancellerie du diocèse pour envisager la meilleure réponse possible.
Avec l’aide du P. Hugues GUINOT
Chancelier