Une nouvelle constitution apostolique pour le synode des évêques
19 septembre 2018
Alors que l’ouverture du prochain synode sur les jeunes est prévue le 3 octobre prochain, le pape François vient de promulguer, ce mardi 18 septembre 2018, la nouvelle constitution apostolique Episcopalis communio, qui vient préciser la structure des assemblées synodales. Le synode des évêques avait été annoncé par Paul VI le 14 septembre 1965, dans le discours d’ouverture à la 4e session du concile, puis institué par le Motu proprio Apostolica sollicitudo qui en donnait le fonctionnement général.
Le site www.droitcanonique.fr s'est voulu réactif : c'est pourquoi, nous vous proposons également une traduction française inédite et provisoire en attendant une traduction officielle, effectuée par le Doyen de la Faculté de droit canonique, l'abbé Ludovic Danto. Cette traduction est en ligne, disponible en cliquant ici.
Les évêques aident le Souverain Pontife de multiples manières, et le synode des évêques est un instrument privilégié de cette aide. Si le Pape François avait insisté, lors du dernier synode, pour comprendre qu’il est non seulement un chemin pour l’Église, mais aussi pour l’humanité, cette nouvelle constitution le confirme bien en insistant dès son préambule sur la nouvelle étape d’évangélisation dans laquelle entre l’Église, souhaitant que le synode devienne de plus en plus « une mise en œuvre effective du soin de tous les évêques pour toutes les églises » (§4).
Certes, l’Église est « multiple », notamment en ses églises particulières, mais la synodalité est essentielle à la vie de celle-ci, car elle est peut-être un témoignage d’unité dans la diversité pour un monde plus fragmenté encore qu’elle, et le pape d’insister : le synode peut à la fois permettre de nouveaux développements de dialogue et de collaboration entre tous les évêques et l’évêque de Rome, et en même temps être un lieu privilégié pour « écouter le Peuple de Dieu » (§5), afin que le Synode ne soit pas comme « séparé du reste des fidèles » (§6). Il doit être, au contraire, toujours selon les mots du Pape, « un instrument approprié pour donner la parole à tout le Peuple de Dieu et précisément à travers les évêques » (§6). Depuis le Concile Vatican II notamment, on a l’habitude de parler du sensus fidei fidelium (le sens de la foi des fidèles) afin de souligner cette participation de l’ensemble du peuple de Dieu au discernement ecclésial.
Consultation préalable
C’est pourquoi la nouvelle constitution apostolique insiste tant sur la consultation préalable et le travail préparatoire au synode lui-même (cf. les art.5 à 8). Là est peut-être l’une des nouveautés les plus insistantes.
Les deux précédents Synodes sur la famille avaient comme « inauguré » ce travail de consultation qui était, déjà selon les mots du cardinal Baldisseri, un « renouvellement méthodologique ». Par exemple, à cette époque, la période entre les deux synodes fut extrêmement profitable à la réflexion, aux débats, et à l’émergence de questions nouvelles ; ainsi, et pour la première fois dans l’histoire des synodes, les Lineamenta du nouveau synode étaient composées du texte approuvé par les pères synodaux lors de l’assemblée précédente, ainsi que d’une série de questions pour la réception et l’approfondissement de ce document synodal : l’Église n’avait pas connu, dans les synodes passés, une telle continuité dans la réflexion ainsi qu’une prise de recul sur le travail déjà accompli. Et le secrétaire général du synode, le cardinal BALDISSERI, l’exprimait à l’époque déjà : « la synodalité effective et vraie se réalise quand les différentes instances se rencontrent et de composent en une seule partition de concerto, qui, lors de l’exécution, resplendit dans sa beauté harmonieuse » (cf. Card. BALDISSERI, « Synode 2015 : prière, événements, chiffres, méthode et information. Présentation à la presse », 2 octobre 2015. Disponible en cliquant ici).
Dans la nouvelle constitution, non seulement le Pape confirme cette intuition, mais vient la renforcer. Et selon lui, cette consultation très large permet « la recherche d'un consensus qui ne vient pas d’une logique humaine, mais de l’obéissance commune à l'Esprit du Christ » (§7). La phase préparatoire d'un synode a donc pour but la consultation du peuple de Dieu, dans son ensemble, par des « organismes de participations » définis à l’art. 6, mais également laissé à la discrétion de l’évêque. Cette consultation s’étend également aux instituts de vie consacrée, aux sociétés de vie apostolique, aux associations de fidèles reconnues, ou encore aux instituts d’études supérieures qui peuvent, selon les thèmes et leurs compétences, participer à leur titre (art. 9). Mais plus encore, chaque fidèle individuellement, doit pouvoir participer à ces consultations, dont les synthèses seront collectées par le Secrétariat général.
Ce travail peut être comme amplifié par une réunion pré-synodale (art. 8) qui, favorisée par le Secrétariat général, comporte « la participation de certains membres du synode » et « d’autres invités », doit donner un avis. L’article 8 précise encore que ces réunions peuvent être vécues à un niveau régional, en impliquant, par exemple, les synodes locaux des églises catholiques orientales ou les conférences épiscopales.
Nous le voyons bien, le Pape insiste surtout sur cette phase préparatoire qui devient l’une des expressions majeures de ce processus synodal qui a, selon les mots du Souverain Pontife, son « point de départ, mais aussi son point d’arrivée dans le peuple de Dieu » (§7) : importance du travail en amont ; et insistance, par la Constitution du travail de réception des fruits du synode, sans quoi ce travail serait stérile.
Une composition qui évolue quelque peu
La nouvelle constitution apostolique rappelle que les membres d’un synode sont déjà établis par le canon 346 du Code de droit canonique de 1983 et l’art.2 §2 reprend ces dispositions en mentionnant que « la plupart » des membres sont évêques. Mais selon ce même article, le Pape peut adjoindre à ce collège des fidèles « qui n’ont pas reçu la charge épiscopale » (art. 2) et dont le rôle sera déterminé par le Pape lui-même : apparemment, le Pape pourrait attribuer le droit de vote à des fidèles qui ne sont pas revêtus du caractère épiscopal.
Vote des membres et « unanimité morale » sur le rapport final
S’il ne faut jamais opposer une certaine mécanique politique au dialogue dans l’Église, afin de ne pas opposer sa structure institutionnelle et sa structure pneumatologique et charismatique dans l’œuvre du discernement, les règles passées du synode permettaient à cette structure institutionnelle de vivre la réalité incarnée de cette société tout aussi humaine qu’est l’Église : le Pape, en gouvernant, s’appuie sur ces structures régies par le droit, notamment les votes en différents collèges dont la règle de la majorité au 2/3 pousse à un consensus toujours large.
Si cette règle n’a pas changé, semble-t-il, la nouvelle constitution apostolique régissant les synodes insiste en son article 17 sur « l’unanimité morale » qui doit animer la livraison du document final au Souverain Pontife. Certes, pendant toute la durée du synode, des groupes de discussions par langue et autres commissions d’études, composées d’experts, sont organisés pour favoriser les débats et les discussions, ainsi qu’une « commission spéciale », définie à l’article 17, qui aura pour mission de proposer une rédaction du document final soumis au vote et à l’approbation, après amendements, des membres du synode ayant droit de vote. Celle-ci est composée, selon ce même article 17, du Rapporteur général, du Président, du Secrétaire Général, du Secrétaire spécial et « des membres élus par le Synode tenant compte des différentes régions (et) d'autres nommés par le Pontife lui-même ».
Après le vote de l’Assemblée, le document final est remis au Saint-Père qui, librement, en décide ou non la publication, selon l’article 18 de la nouvelle Constitution, qui reprend une disposition déjà existante. Ce même article précise toutefois que « dès réception de l'approbation des membres, le document final de l'Assemblée est livré au Pontife Romain, qui décide de la publication. S'il est expressément approuvé par le Pontife romain, le document final participe au Magistère ordinaire du Successeur de Pierre. »
Père Cédric Burgun,
Vice-Doyen de la Faculté de Droit Canonique
de l’Institut Catholique de Paris